mardi 31 mai 2011

Note de mise en scène

Cet opéra, cette CARMEN, je l’ai imaginée il y a 20 ans. L’envie de proposer l’opéra à Alès, ma ville natale, a germé depuis 1991, jeune membre de la compagnie du Royal Opera House de Covent-Garden, j’intégrais la troupe et le petit rôle de Manuélita avec Placido Domingo, dirigé par Zubin Mehta, la chorégraphe étant Christina Hoyos. Carmen était joué dans la prestigieuse salle, mais retransmise en direct sur la grande place, où des centaines de spectateurs assistaient, librement, de la terrasse des cafés ou sur des sièges pliables, s’installant dès le matin pour avoir les meilleures places… Pourquoi pas à Alès ?  
Carmen est certainement un des titres des opéras français le plus joué dans le monde. Les airs, véritables tubes lyriques, sont dans toutes les oreilles, et tout le monde connaît l’histoire tragique entre cette cigarière gitane, femme éprise de liberté et d’amour, et Don José, simple brigadier entraîné par la passion, qui le mène au crime. Carmen évoque une débauche de couleurs et de sons, porte ouverte à de nombreuses interprétations. Je voulais retourner à l’essence même de l’ouvrage et pas le détourner ou en faire une foire de couleurs. Cependant, pour être fidèle à l’auteur et au compositeur, notre vision plus universelle conserve l’aspect populaire (sans rien de péjoratif) lié à Carmen, le tout, dans un grand respect musical de l’œuvre, avec les moyens dont nous disposons.

Je n’ai pas voulu reproduire une Espagne folklorique, avec débauche de volants froufroutant au soleil. Les personnages sont complexes, et, ici, le soleil, la vie, la mort, le danger, le risque, se côtoient. L’Acte IV rend toute sa joie et sa vie débordante, mais elle précède la fin brutale de Carmen alors que l’autre exécution se déroule dans les Arènes de Séville.

Carmen devait être chanté par une soprano, ceci imaginé par Bizet, rendant la voix plus légère. On ne peut aborder Carmen sans se référer à la pièce de Mérimée, et la musique de Bizet. Meilhac et Halévy, les librettistes de Carmen, se sont éloignés de la nouvelle. Le sujet naturaliste violent choquait le spectateur de 1875, la nouveauté était indécente. Bizet mourut sans savoir que son opéra serait un succès mondial.

Pour retrouver cette force tragique dépeinte par Mérimée, ce duende «pouvoir mystérieux que chacun ressent et qu’aucun philosophe ne peut exprimer» (Goethe), Bizet et ses librettistes ont façonné des personnages qui marquent le spectateur à jamais : la Vie, l’Amour au pluriel de Carmen, celui, passionné et exclusif de Don José, la raison représentée par Micaëla et la mère, absente et tellement présente, et le destin. Et un héros, malgré lui, Don José, dont le destin tourné d’un regard de braise suffit à faire de lui un déserteur, un coupable… ou une victime. Mais une victime qui préfère don
ner la mort.
CARMEN attire les foules : grands musiciens, mélomanes, experts et néophytes ont tous fredonné les arias les plus connues… Le créer et le présenter à Alès, c’est ouvrir les portes d’un Art qui touche de nombreux publics et prouver que cela est possible. La musique en est le lien, musique, chant, théâtre, danse.
Un grand projet est toujours un événement. Cet événement neutralise toutes les difficultés de communication, puisqu’il rassemble dans un lieu symbolique et mythique : l’arène, quelques artistes professionnels, et ceux qui souhaitent, le temps d’une aventure, apporter leur expérience, ou leur amour de l’Art, du chant, de la musique, à cette histoire.

Annie Corbier

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